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UN SAVANT AU SERVICE DE SES SEMBLABLES - JACQUELINE LEINER






Après mon époux, Wolfgang Leiner, c'est Roger Duchêne qui nous quitte aujourd'hui. Les dix-septièmistes sont bien éprouvés.

    Dès le début de sa carrière, Roger Duchêne crée le Centre Méditerranéen de Recherche sur le dix-septième siècle (CMR 17) qui attire très rapidement de nombreux chercheurs. Mon mari y travaille aussitôt. Sa mort seule, en janvier 2005, va interrompre cette collaboration fructueuse de plusieurs décennies que la personnalité exceptionnelle de Roger Duchêne rendait unique. Après des années de succès, à la demande de nombreux érudits étrangers surtout américains, le Centre Méditerranéen de Recherche sur le dix-septième siècle sera transformé en Centre International de Recherche sur le dix-septième siècle (CIR 17). C'est alors qu'à notre étonnement Roger Duchêne donne sa démission de président. S'il créait toujours avec ferveur il savait se retirer quand il sentait que l'oeuvre désormais bien rôdée saurait vivre sans lui.

    Roger Duchêne pouvait travailler non seulement avec des érudits mais aussi avec ses simples concitoyens. Ainsi le CMR 17 était-il aussi à la disposition des habitants de Marseille et de ses environs sous forme de conférences, d'excursions de la journée ou de quelques semaines en France et à l'étranger, de déjeuners souvent très originaux ; je me souviens en particulier de celui consacré à la gastronomie au dix-septième siècle. Cette ouverture d'esprit se retrouve également au niveau de sa Recherche, allant des origines de Marseille à la biographie de Marcel Proust en passant par sa thèse remarquable sur Madame de Sévigné ou ses clins d'oeil à Ninon de Lenclos et à Madame de Lafayette.

    Dynamique, d'une humeur égale, Roger Duchêne était un véritable ami, toujours attentif. Je n'ai pas oublié ce colloque de San Francisco où, devinant les difficultés que représentait pour moi la séparation géographique d'avec mon mari (j'enseignai à Seattle et lui à Tübingen), il m'aida à me faire nommer à Aix-en-Provence. C'était non seulement un savant remarquable mais aussi un être très humain ainsi que sa femme Jacqueline, collaboratrice irremplaçable, érudite et si délicate. Que de souvenirs nous assaillent mais qui nous aident à vivre en ces temps douloureux.

    Jacqueline LEINER
    Professeur emeritus
    University of Washington